Des enveloppes vides que la pensée ne remplit jamais
Des enveloppes vides que la pensée ne remplit jamais
Galerie Valeria Cetraro, Paris
11.03 – 22.04.2023
L’exposition monographique de Patrik Pion à la Galerie Valeria Cetraro, réunit un ensemble de sculptures parmi les 300 réalisées par l’artiste depuis une vingtaine d’années, ainsi que de nouvelles réalisations poursuivant cette même série.
Il s’agit d’objets fabriqués en papier journal vierge, plié et agrafé. On pourrait appréhender ces objets blancs comme des fantômes d’objets, fantômes de matière, qu’ils renvoient notre perception à des objets qu’en tant qu’ils sont absents. Ils semblent ainsi pointer avec insistance vers un réel impossible à atteindre, par le biais d’un dépouillement et d’une réduction, ramenant la représentation à son essence.
Flottants à différentes hauteurs dans l’espace de la galerie, les objets semblent pris dans un mouvement en suspens, potentiel, dans un hors temps. Ainsi, le dispositif de monstration se fonde sur une totale absence de hiérarchie, par la neutralité géométrique d’une grille dont les structures métalliques et en plexiglas permettent aux objets d’occuper l’ensemble de l’espace, sur toutes ses dimensions.
Dans le texte qui accompagne la monographie de l’artiste, qui vient de paraître aux éditions Paraguay, François Piron écrit que « la préoccupation de Patrik Pion est avant tout phénoménologique, et fait partie d’une interrogation sur le réel, et plus spécifiquement sur le défaut de réalité, avec une sorte d’anxiété lacanienne vis-à-vis d’un langage recouvrant et déformant toute sorte de relation au réel ». Toujours selon François Piron « le titre de la première exposition personnelle de Patrik Pion à la Galerie Charles Cartwright à Paris en 1989 Maintenant les objets m’aperçoivent laissait déjà entrevoir une conception du monde consistant à décadrer le point de vue anthropocentré, et la relation sujet-objet, qui en psychiatrie sont constamment questionnées. »
Le travail sur les objets blancs, démarré par Patrik Pion dans les années deux- mille, avec son duo Paule Combey et poursuivi par l’artiste encore aujourd’hui, a pris naissance au carrefour d’un projet artistique et d’un ensemble de propositions cliques conçues par les deux artistes dans le contexte thérapeutique du Centre Hospitalier George Sand, établissement intercommunal de santé mentale de Bourges où ils intervenaient depuis le début des années 1980. Détachés de tout contexte psychiatrique, ces objets ont bien une puissance singulière d’évocation qui les apparente à des œuvres d’art. Et cependant dès que l’on cherche des outils conceptuels et critiques pour en délimiter la singularité, il est difficile d’éviter d’être reconduit à toute une série de concepts et d’analogies avec les termes de la théorie psychanalytique.
L’ensemble des sculptures est accompagné du film La forme divise le monde en intérieur et extérieur, 2020. Ici les objets blancs prennent part à la vidéo et tout particulièrement Le métronome, dont la sculpture est montrée également au sein de l’exposition. L’objet semble flotter dans un espace obscur, face à l’incapacité d’un personnage énigmatique qui essaye de l’attraper sans y parvenir. Ce personnage provient lui-même d’un autre film, Les mains d’Orlac (1924), de Robert Wiene.
Nombreuses sont les vidéos de Patrik Pion qui convoquent des séquences de spectres des grands mouvements du cinéma du début du XXe siècle : l’expressionnisme allemand et le constructivisme russe.
Depuis la fermeture de la Galerie Cartwright l’année même de son exposition, Patrik Pion a poursuivi son travail sans être représenté par une galerie et réalisant des expositions personnelles dans de nombreux centres d’art tels que, notamment, le CCC de Tours, au CRAC de Sète, Le Confort Moderne de Poitiers.
Faisant suite à l’exposition de l’artiste qui vient de terminer au centre d’art – La Synagogue de Delme, l’exposition « Des enveloppes vides que la pensée ne remplit jamais » à la Galerie Valeria Cetraro est l’occasion de montrer pour la première fois depuis de nombreuses années, dans une galerie d’art parisienne, une sélection d’œuvres issues d’une production d’une vingtaine d’années de travail.