CURA TE IPSUM – Floryan Varennes
17.11.2020 – 31.12.2020
Art Center FERME-ASILE Sion, Switzerland
Cura Te Ipsum, ” heal yourself “. It was on the basis of this injunction that Floryan Varennes explored the feld of care during his residency at the Ferme Asile in Sion, Switzerland. Used to plastic contrasts and semiotic shifts, he explored the ambiguity of the medical domain by bringing it closer to martial arts, questioning the antinomic curative dimension of war and the inherent violence of healing processes. If it is indeed about care in his works, it is above all about self-care, referring to the need to take care of oneself, as well as to the self-destructive impulse contained in each one and which one must guard against. The ” heal yourself ” is thus coupled with another injunction, that of protecting oneself from oneself, so that the tension perceived in the works of Floryan Varennes seems above all to be the spectre of an internalized violence, projected onto sculptures whose absence of representations of the body calls for our own image.
An ensemble of plastic tubes and metallic medical instruments taking the contours of a flower, Iris is a floating bas-relief, human-sized, projecting a threatening shadow on the walls: a futuristic coat of arms, the complex structure of the work confronts us with the materiality of the medical equipment (scalpels, pliers, probes, …), both tools of care and weapons that dissect and bruise the flesh. The tubular interlacing that connects these different elements still plays on the ambivalence of the hospital imagination, referring to the state of suffering of the body, as well as to the network of cables that keep it alive. With Panoplie 2.0, Floryan Varennes continues to explore the connections between healing and war, based on the military tradition of displaying the weapons of warriors defeated on the battlefield as trophies. A mark of triumph, this practice also has an apotropaic dimension that the artist emphasizes by using medical equipment: he uses surgical retractors to support double glass arrows, as well as dried stems of purple echinacea (Echinacea purpurea), a plant with antiseptic and anti-inflammatory virtues. However, arrows armed with two points prove to be a threat to the enemy as much as to the archer who is bending his bow: the work thus suggests that it is also from oneself that one should protect oneself, considering the clean body as caught in an auto-immune struggle.
However, there is no fatalism in the artist’s statement, who certainly confronts us with our own self-generated ills, but at the same time offers us remedies, drawn from medical technologies, phytotherapeutic traditions, and sacred rituals. Another bas-relief, Semper Fidelis, even opens the paths of healing to other perspectives, including the Other in the self.A speculum, a gynecological instrument, serves here as a container for ivy, a plant associated with fidelity: that of lovers, but also that of medieval warriors, united even to death on the battlefield. Mixing war and care, Floryan Varennes considers here the possibility (if not the necessity) of finding resources in the Other, symbolically signified by the presence of the climbing plant, and visually by the incongruous encounter between
metal and plant. Never represented and yet omnipresent, the body is suggested by the medical instrument that materializes the contours of a body-receptacle, evocation of the sensual connection between two human beings who interpenetrate, unified in a symbiotic apparatus that ivy rightly evokes.
Juxtaposed with references to plants (iris, echinacea, ivy) that come in different forms (by analogy, dried, alive), it is however in an abyssal atmosphere that Floryan Varennes has chosen to present his sculptures, immersing the exhibition space in a bath of blue light that significantly alters the perception of shapes by changing their tone. The feigned darkness in which we are paradoxically submerged, thus generates an intimate atmosphere propitious to introspection. The blue light is also a reminder of the cold and sanitized atmosphere of hospitals, where pain and its appeasement are mixed and mingled, a metaphor of our own psychic mechanisms of destruction and healing, inextricably linked. Seductive and threatening, Floryan Varennes brings out from his works all the ambivalence of care and violence which, far from being opposed, are united in a Pharmakon, pointing out both the affliction and its remedy.
KEVIN BIDEAUX
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French :
Cura te ipsum, « soigne-toi toi-même ». C’est partant de cette injonction bienveillante que Floryan Varennes a exploré le domaine du soin lors de sa résidence à la Ferme Asile de Sion, en Suisse. Coutumier des contrastes plastiques et des glissements sémiotiques, il a exploré l’ambiguïté du champ médical en le rapprochant des arts martiaux, questionnant la dimension curative antinomique de la guerre, et la violence intrinsèque des processus de guérison. S’il est bien question de soin dans ses œuvres, c’est surtout de self-care dont il s’agit, renvoyant aussi bien à la nécessité de prendre soin de soi, qu’à la pulsion d’autodestruction contenue en chacun∙e et dont il faut se prémunir. Au « soigne-toi toi-même » se couple ainsi une autre injonction, celle de se protéger de soi-même, si bien que la tension perçue dans les œuvres de Floryan Varennes semble surtout être le spectre d’une violence internalisée, projetée sur des sculptures dont l’absence de représentations du corps appelle notre propre image.
Assemblage de tubes de plastique et d’instruments médicaux métalliques prenant les contours d’une fleur, Iris est un bas-relief flottant, à taille humaine, projetant une ombre menaçante sur les murs : armoirie futuriste, la structure complexe de l’œuvre nous confronte à la matérialité de l’appareillage médical (scalpels, pinces, sondes, …), à la fois outils de soin et armes qui dissèquent et meurtrissent les chairs. Les entrelacs tubulaires qui connectent ces différents éléments jouent encore de l’ambivalence de l’imaginaire hospitalier, renvoyant à l’état de souffrance du corps, comme au réseau de câbles qui le maintient en vie. Avec Panoplie 2.0, Floryan Varennes continue d’explorer les connexions entre soin et guerre à partir de la tradition militaire consistant à exposer en trophées les armes des guerrier∙ère∙s vaincu∙e∙s sur le champ de bataille. Marque de triomphe, cette pratique a aussi une dimension apotropaïque que l’artiste vient souligner en employant du matériel médical : il fait reposer sur des écarteurs chirurgicaux des flèches doubles en verre, ainsi que des tiges séchées d’échinacées pourpres (Echinacea purpurea), plante aux vertus antiseptiques et anti-inflammatoires. Les flèches armées de deux pointes s’avèrent toutefois être une menace pour l’ennemi∙e autant que pour l’archer ou l’archère qui bande son arc : l’œuvre suggère ainsi que c’est aussi de soi-même qu’il convient de se protéger, envisageant le corps propre comme pris dans une lutte auto-immune.
Pas de fatalisme pour autant dans la démarche de l’artiste, qui nous confronte certes à nos propres maux auto-générés, mais qui en même temps nous en offre les remèdes, puisés dans les technologies médicales, dans les traditions phytothérapiques, et dans les rituels sacrés. Un autre bas-relief, Semper Fidelis, ouvre même les voies de la guérison à d’autres perspectives, incluant l’Autre dans le self. Un speculum, instrument gynécologique, sert ici de contenant à du lierre, plante associée à la fidélité: celle des amoureux∙ses, mais aussi celle des guerrier∙ère∙s de l’époque médiévale, solidaires jusque dans la mort sur le champ de bataille. Mêlant de nouveau guerre et soin, Floryan Varennes envisage ici la possibilité (si ce n’est la nécessité) de trouver les ressources dans l’Autre, signifié symboliquement par la présence de la plante grimpante, et plastiquement par la rencontre incongrue entre le métal et le végétal. Jamais représenté et pourtant omniprésent, le corps est suggéré par l’instrument médical qui matérialise les contours d’un corps-réceptacle, évocation du rapprochement charnel entre deux êtres qui s’interpénètrent, unifiés dans un dispositif symbiotique que le lierre évoque très justement.
Jalonnées de références au végétal (l’iris, l’échinacée, le lierre) qui se présentent sous différentes formes (par analogie, séché, vivant), c’est pourtant dans une ambiance abyssale que Floryan Varennes a choisi de présenter ses sculptures, plongeant l’espace d’exposition dans un bain de lumière bleue qui modifie significativement la perception des formes en en changeant la teinte. L’obscurité feinte dans laquelle nous sommes paradoxalement plongé∙e∙s génère ainsi une ambiance intimiste propice à l’introspection. La lumière bleue est aussi un rappel de l’atmosphère froide et aseptisée des hôpitaux, où se côtoient et se mêlent la douleur et son apaisement, métaphore de nos propres mécanismes psychiques de destruction et de guérison, inextricablement liés. Séduisantes et menaçantes, Floryan Varennes fait ainsi émerger de ses œuvres toute l’ambivalence du soin et de la violence qui, loin de s’opposer, sont réunis dans un pharmakon, désignant à la fois le mal et son remède.
KEVIN BIDEAUX